Je suis donc arrivé au Foyer des Apprentis-Jockeys de Maisons-Laffitte comme animateur-stagiaire le 1er septembre 1967... Dans mes 3 premiers articles, je vous ai présenté ces petits bonshommes de 14-19 ans, et je vous ai fait part de leurs réponses à mes questions: "Qui êtes-vous, d''où venez-vous, que voulez-vous ?"... Aujourd'hui, je voudrais vous présenter leur travail... (Ceci se passait dans les années 1970)...
Qu'ils soient influencés par leurs parents, par le Tiercé ou par le désir de gagner beaucoup d'argent, qu'ils rêvent de devenir un jour de grands jockeys ou qu'ils soient déjà un peu aigris par le métier... ces petits bonshommes (qui ne pèsent que 38 kg à leur entrée dans le métier, à 14 ans, et qui ne sont pas plus hauts qu'1m40)... ces apprentis mènent une vie dure, souvent méconnue, écoutez-les:
"Si un cheval gagne une course, c'est en grande partie grâce à notre travail d'entraînement... Nous nous levons à 5h30 en été, à 6h30 en hiver.... Nous soignons les chevaux à l'écurie, nous nettoyons les boxes, nous mettons le foin et l'eau, nous brossons les chevaux, nous les épongeons, nous leur currons les sabots, nous leur donnons l'avoine... Nous sortons chaque jour 3 chevaux chacun, parfois 4, et nous les entraînons durant 1h30, par n'importe quel temps... Notre travail se termine vers 12h30... A 17h00, nous retournons à l'écurie pour soigner et nourrir les chevaux et nous terminons le travail vers 18h30... Ce qui nous fait une semaine de 35h de travail à l'écurie, prévue par notre contrat... mais ce contrat est très peu respecté, et nos entraîneurs nous font souvent dépasser ces horaires"...
"En plus de ces 35h de travail pratique à l'écurie, nous autres, apprentis de 14-17 ans, nous "subissons" des cours théoriques, les après-midi, 15h par semaine, 3h par jour... ce qui nous fait en tout une semaine de 50h de travail pratique et théorique, quand les horaires sont respectés"...
"Monsieur le Directeur des cours scolaires du Centre de Formation des apprentis de Maisons-Laffitte, les gens s'étonnent qu'il faille encore aller à l'école pour monter à cheval... Pensez-vous que la scolarité soit encore nécessaire pour les apprentis-lads-jockeys ?"... "Oh, vous savez, je crois que la scolarité n'a jamais eu bonne presse, à n'importe quel moment de la vie, et ici, il en est de même pour nos jeunes garçons. Ils ne saisissent pas - d'ailleurs, à cet âge, on ne se rend pas compte de beaucoup de choses - ils ne se rendent pas compte, ils ne se sont pas rendu compte de l'importance que ça avait, non pour l'immédiat, peut-être, mais pour l'avenir"... "Quelles sont les principales matières traitées durant cette scolarité ?"... "Les disciplines que l'on trouve dans l'enseignement chez les apprentis sont les mêmes que celles que l'on trouve ailleurs, tout au moins en ce qui concerne les disciplines de base: elles ne changent jamais, c'est le Français et les Mathématiques. Pour les apprentis de chez nous, il y a, évidemment, la spécialisation, qui consiste en cours d'hippologie, et puis des matières qui préparent, si vous voulez, d'une façon plus particulière à la vie courante: législation, instruction civique...que l'on range habituellement dans le grand cadre des sciences économiques et humaines. Enfin, des matières qui ne sont pas négligeables, parce qu'elles nous permettent de mieux voir ce qui se passe autour de nous, de mieux connaître le monde, je parle des sciences physiques: biologie animale, biologie végétale, ces dernières ayant un rapport étroit avec l'enseignement agricole, bien entendu... Il ne faut pas oublier l'éducation physique, qui est donnée à raison d'une heure par semaine: cette éducation physique est adaptée à la morphologie et au travail de nos apprentis"...
Samedi prochain: après le travail à l'écurie, après l'entraînement des chevaux de courses, après l'école, ouf, un peu de détente... au Foyer des Apprentis...